Extraits
 
 

Quand ta chair

Tout à coup, cède et te ramène au plus caché,

Quand ton ventre sourit et qu'il afflue et

Se roule, agité – comme une mer

Qui s’offre à ses falaises,



Il me reste encore à te verser du sommeil,

Au creux du creux de tes seins, et, goulument,

Des mercis, dans tes lèvres baignées

De rêves – sèves – et


De rosée.





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À combien d'anges

A-t-on déjà parlé ?



Combien d'autres

Entrevus


Dans ce creux d’une épaule,


Dont nous cherchons

Les traces encore


À genoux ?



Combien d'autres si bien,

Si mal ignorés,


À qui

Désormais,

Nos yeux


Vont manquer ?





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Prends

Du temps


– Ce qu’il te faut




Mais n’oublie pas

D’amarrer du rire


Sous le ventre des terres


D’empreindre

Du vent


– Pas de mots surtout pas de mots




Il te faudra bien trouver

De quoi rebâtir


Quand la lutte, elle


Aura

Cessé.





--------------------    pour Dominique





Ça existe

Qu'on rêve


À en brûler,



Soliloque

Un moment,



Qu'on opine



Et se rende ainsi

Complice


Du remous

Des lumières.


-


Ça existe


Qu'on s'étonne

À l'écoute d'un mort


Qui nous dit qu'il est mort,



Qu'on s'imbrique

Et, nu,

Rie


Du vent qui façonne.


-


Ça existe


Qu'incandescents

Des non-dits


Balisent

En nous


L'attente d'un dieu,



Qu'on gravite

Et use des

Voies


Peut-être pour rien.


-


Qu'on prie

Sans penser


Et qu'on s'attache,

À tort,


À compter les dehors.


-


Ça existe


Qu'un son nous assaille



Et qu'on puisse

Y être

Pour quelque chose.


-


Qu'on aime

En silence,


Et que cela urge

Et empire


À chacun des instants.


-


Qu'un jour entier

Passe

En nous


Sans nous voir,


Et qu'on puisse être

Incapable


De même en parler.


-


Ça existe


Qu'un verbe ne sache

Ou ne puisse nous contenter,


Et que, placide,

On scintille


Pour d'autres

Qui cherchent


Encore un messie.


-


Ça existe ça

Ça existe.






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Je voudrais


Que mes mots sentent la chair, la sueur,

Les mains qui savent et le tumulte des hommes...


Je voudrais qu’ils sentent le cep de vigne et l’olivier,

Bollène et La Pierre, la lauze, le schiste,

Du bleu, du rose, des mûres

Et, devant, l’or des ajoncs,

Des genêts à genoux,

Le vent qui s’essouffle...


Je voudrais qu’ils sentent le soleil à l'entame du jour, le sel,

L'ombre portée de l'écume en fleurs et d’un orage,

Un dimanche de Pâques, à La Roche...


Je voudrais qu’ils sentent un ventre de femme qui se dresse,

Le doigt qui le recueille et recueille sa douceur

Et la violence insensée qui le tient

Dans l'ovale et dans les caresses...


Je voudrais que mes mots sentent la chair, la sueur, la rosée

Que l'on boit et le goût de la terre, de ce

Qui brûle, féconde,

Et des souffles qui emportent...


Je voudrais que mes mots disent

Ma peur enfin, sur ta peau.





 
ce qui, la nuit


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CE QUI, LA NUIT

Frontispice

Dessin

Madeline Deriaz


l’Arbre à paroles,

2012

 
Plusieurs des poèmes de ce recueil 
ont été mis en musique par 
Pierre-Emmanuel Kuntz.http://locouarail.free.fr/crbst_11.htmlshapeimage_8_link_0

première édition

Issue d’une longue lignée de photographes suisses, Madeline Deriaz, née en 1946, a été formée aux Beaux-Arts de Genève. Elle a longtemps été illustratrice avant de créer une agence de publicité à Sainte-Croix (Jura vaudois). Elle a choisi d’émigrer au Québec en 1993. Depuis, elle vit à Sainte-Camille, où elle se consacre à son art : elle dessine, peint, filme, photographie bien sûr, mais elle expose et donne aussi des cours. Elle a reçu de nombreuses distinctions et quelques bourses. Elle est très engagée dans la vie culturelle canadienne.